27 mai 1943, le Conseil national de la Résistance…(2ème partie)
On l’a dit, à l’exception du parti communiste qui a reconstruit son organisation et développe une activité croissante, les partis existant avant guerre ont disparu ou ne sont que l’ombre d’eux-mêmes. Le parti socialiste n’a pas survécu aux épisodes du printemps 1940 qui ont vu un très grand nombre de ses dirigeants et élus sombrer dans l’allégeance à Pétain. Quelques éléments se sont regroupés dans des Comités d’action socialiste installés en zone occupée et en zone non occupée [1] mais ne développent qu’une activité très réduite. Le Parti socialiste n’a créé aucune organisation de Résistance, mais des socialistes ont intégré des « mouvements », en particulier Libération (nord et sud) et Combat. Les radicaux, les groupes démocrates chrétiens et de la droite parlementaire ont, pour ce qui les concerne, quasiment disparu.
Cette situation explique pourquoi les « mouvements » déclarent rejeter les configurations politiques ayant existé sous la Troisième République : il convient selon eux de faire table rase du passé et de penser la République qui surgira de la libération du territoire sans les partis d’autrefois. C’est dans ce contexte que se pose longtemps la question de l’unité des Résistances intérieures et de l’articulation de celles-ci avec la Résistance extérieure.
En octobre 1942, Jean Moulin a reçu du général de Gaulle mission de tenter une unification des Résistances intérieures réduites aux seuls « mouvements » ce qui signifiait l’effacement du parti communiste et la mise sous tutelle des organismes de résistance créés par lui. Cette orientation pouvait d’autant moins aboutir que l’arrivée de Fernand Grenier le 11 février 1943 en qualité de représentant du PCF à Londres et le soutien désormais apporté à la France combattante et à son dirigeant historique, le général de Gaulle, donnait au parti communiste une place nouvelle et très importante.
La question des partis
Dans le débat alors ouvert à Londres sur la nécessité de mettre en place une institution clandestine représentative de la nation et articulée avec le Comité national français [2] la question de la présence des partis en son sein est posée.
C’est dans ces conditions que, ressuscités pour les besoins de la cause, d’anciens partis ayant existé sous la Troisième République vont être appelés à rejoindre l’organisation unitaire de la Résistance. Cette réapparition de partis discrédités suscite une violente opposition des mouvements et notamment d’Henri Frenay de Combat et de Maxime Blocq-Mascart de l’Organisation civile et militaire.
Par delà cette lourde question politique, dans les discussions qui se déroulent aussi bien à Londres qu’en France dans la période deux orientations s’expriment successivement et se superposent un moment à propos de la forme que peut prendre l’unité des Résistances intérieures et sur les buts que cette unité doit poursuivre.
La première pense que la nécessaire unité des résistances intérieures doit respecter les histoires de chaque zone, la question devant cependant être tranchée d’une coordination des deux zones et d’un arrimage à la France Combattante. Cette conception repose d’autre part sur le principe de la seule coordination des « mouvements ».
La deuxième orientation naît des débats surgis dans l’entourage du général de Gaulle à la fin janvier 1943 en raison du besoin d’établir la prééminence du général dans la direction des Résistances et d’affirmer symboliquement une nation reconstituée. L’ancienne orientation de la coordination des « mouvements » doit être dépassée par la constitution d’un organisme de plus grande ambition qui sera l’incarnation de la nation reconstituée et préfigurera les formes institutionnelles plus générales qu’il conviendra de mettre en place. Cette orientation a pour conséquence de penser l’organisme comme représentatif de la nation dans les conditions de la guerre et de la clandestinité et d’y intégrer en conséquence partis et syndicats.
Cette orientation nouvelle ne va pas prévaloir d’emblée ainsi que vont le révéler les affrontements entre Jean Moulin (Rex) et Pierre Brossolette (Brumaire) tous deux en « mission » en France à cette époque.
(à suivre...)
Notes
[1] En mars 1943, les deux CAS fusionnent et se transforment en Parti socialiste clandestin.
[2] Créé en septembre 1941, le Comité national français est conçu comme la première étape vers la formation d’un gouvernement provisoire. Présidé par le général de Gaulle il est formé de sept commissariats. Son organisation demeure pratiquement inchangée jusqu’à la création du Comité français de la Libération nationale le 3 juin 1943.