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Pierre Brossolette

Pierre Brossolette, qui occupe d’importantes responsabilités au sein du BCRA [1] a quitté Londres fin janvier 1943 (mission « Brumaire ») est chargé par le Comité national français de créer un comité de coordination en zone nord par imitation de la zone sud où la fusion des trois plus grandes organisations de Résistance non-communistes a donné naissance aux Mouvements unis de la résistance (MUR) [2] dont Jean Moulin assure la présidence.

Brumaire contredit Rex

A ce moment donc, le Comité national français ne soutient pas l’idée de créer un Conseil de la Résistance ayant compétence sur tout le pays, mais cette ligne est corrigée le 21 février lorsque de « Nouvelles instructions » sont rédigées qui préconisent la formation d’un seul Conseil de la Résistance pour tout le territoire national.

Brossolette, qui s’est exprimé quelques temps auparavant dans La Marseillaise [3] contre les partis prend connaissance des « Nouvelles instructions » dans les premiers jours de mars et, non seulement se refuse de les appliquer, mais convainc le colonel Passy (Arquebuse), chef du BCRA, parachuté en France dans la nuit du 26 au 27 février, de le suivre dans la voie de la désobéissance. Brossolette passe aux actes et accélère la création d’un Comité de coordination de la zone nord (CCZN) limité aux cinq plus importants « mouvements » de la zone (parmi lesquels le Front national qui se voit ainsi reconnu pour la première fois comme une organisation de résistance [4]). Le CCZN tient sa première réunion le 23 mars 1943. L’attitude de Pierre Brossolette procède, sans doute, de plusieurs raisons dont la principale se fonde, par delà son hostilité aux anciens partis, sur la volonté de ne laisser à Jean Moulin que le contrôle de la zone sud : les coordinations réalisées dans les deux zones seraient pilotées par un comité permanent dont la composition reste à discuter.

Or, en mars 1943, Jean Moulin a été envoyé en France afin de constituer, en application de « Nouvelles instructions », un « Conseil de la Résistance » unique pour toute la France (ce qui implique l’abandon de la création d’un comité de coordination en zone nord comme perspective d’unité). Le mandat confié à Moulin a une portée politique considérable dès lors qu’il vise à créer une structure de haut statut, mettant un terme aux solutions partielles jusqu’ici essayées, et montrant aux alliés et aux Américains que la Résistance et le Comité national français, sont dûment représentatifs de la volonté du peuple et rendent inutiles la poursuite des manœuvres visant à éliminer de Gaulle au profit de Giraud. Les buts confiés à Jean Moulin s’écartent donc de manière essentielle du mandat donné à Brossolette qui visait simplement à réduire les émiettements résistants de la zone nord.

Moulin, mis devant le fait accompli par l’initiative de Brossolette qui tire le processus qu’il doit impulser en arrière, réagit très vivement et une rude altercation se produit le 31 mars entre les deux hommes. Jean Moulin choisit de ne pas porter le désaccord devant les « mouvements » et entérine la formation du CCZN [5] tout en poursuivant sa mission de création d’un Conseil de la Résistance qui, en définitive, se constituera quelques semaines plus tard dans le regroupement de seize composantes dont seulement cinq partis.

Le Conseil de la Résistance émerge enfin

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Fernand Grenier

S’agissant de la composition du Conseil, on observera que la présence des deux grandes centrales syndicales (CGT et CFTC) d’avant guerre n’a suscité aucune critique et que la réunification de la CGT intervenue le 17 avril 1943 a incontestablement facilité les choses. De même le ralliement du Parti communiste à la France combattante le 11 janvier 1943, officialisé par l’installation de Fernand Grenier, ancien député de Saint-Denis et représentant du PCF à Londres, a constitué un élément politique majeur permettant au général de Gaulle de se prévaloir de l’appui de la composante la plus importante de la résistance intérieure.
La présence du Parti socialiste a été acquise malgré quelques grincements de dents et l’élargissement aux radicaux et composantes de droite admise comme une représentation de courants de pensée.

Obtenue dans son principe le 8 mai 1943 l’unité des composantes politiques, syndicales et des « mouvements » (qui ne regroupent cependant que les organisations les plus importantes) se concrétise dix-neuf jours plus tard.

Le texte adopté à l’unanimité [6] lors de la réunion du 27 mai inaugure une situation nouvelle : non seulement un cadre unitaire organise désormais les principales composantes des Résistance intérieures mais l’autorité du général de Gaulle sur l’ensemble des Résistances est désormais reconnue par tous.

On notera cependant que la formation du Conseil de la Résistance n’entraîne pas la disparition de l’opposition à la présence des partis : ainsi est créé en juillet 1943 un Comité central des mouvements de Résistance (CCMR) qui réunit les représentants des huit mouvements composant le comité directeur des Mouvements unis de la Résistance et le Comité de coordination de la zone nord. Le CCMR déclare se former en réaction d’opposition au Conseil de la Résistance par rejet des partis politiques et dans une volonté d’autonomie par rapport à la Délégation générale installée par Jean Moulin et qui joue le rôle d’intermédiaire entre la Résistance intérieure et la France combattante. Le CCMR cesse de se réunir début 1944 et retourne en définitive au CNR.

Au bout du compte, le CNR va rapidement affirmer ses fonctions : organe clandestin, il va adopter le 15 mars 1944 un programme qui définira aussi la nécessité du développement de la lutte armée et de la préparation de l’insurrection nationale.

En tout cas, si la création du Conseil de la Résistance marque un tournant politique important dans la mise en cohérence des Résistances, elle est, dans les faits, bien peu popularisée par les organisations et les presses clandestines. On retiendra pour la petite histoire que la presse de Londres et Radio Brazzaville ont fait connaître dès le 15 mai 1943 la constitution du Conseil !

S’il jouera un rôle important au cours de son année d’existence clandestine, le CNR, n’émergera vraiment et ne s’installera dans l’imaginaire populaire que dans « les jours heureux » de la Libération.

(à suivre)

Notes

[1Le Bureau central de renseignements et d’action (BCRA), d’abord deuxième bureau de l’Etat-major du général de Gaulle essentiellement chargé du renseignement, élargit progressivement son champ d’action notamment en matière de liens avec les Résistances intérieures.

[2Les MUR ont été créés le 26 janvier 1943 par la fusion des trois grands mouvements de résistance non-communistes de la zone sud (Combat, Libération, Franc Tireur).

[3La Marseillaise, hebdomadaire publié à Londres dans l’orbite des « français libres »

[4Longtemps, les « mouvements » et Londres ont refusé de considérer le Front national, que dirige Pierre Villon, comme une organisation de résistance à part entière, estimant que les FTP constituaient l’expression militaire du Parti communiste et que le Front national faisait doublon avec le PCF.

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Pierre Villon

[5Le CCZN disparaîtra de lui-même à la fin de l’année 1943.

[6Le principe de l’unanimité fondera toutes les décisions ultérieures du CNR.