Nous terminons notre étude sur la création du CNR par la mise à disposition de trois documents : le texte des "nouvelles instructions" du 21 février 1943 ; la motion adoptée par le CNR le 27 mai 1943 ; le texte message en date du 19 mai 1943, envoyé par le général de Gaulle au CNR.
Annexe 1
Nouvelles instruction (21 février 1943)
L’évolution des événements nous amène à modifier nos instructions de 1942 dans le sens à la fois d’un regroupement des forces de combat en vue de l’Action (I) et simultanément d’un élargissement des assises morales et politiques de la Résistance française groupée autour de (5) (II).
I- (10) déjà le délégué de (5) en ZNO devient dorénavant le seul représentant permanent de (25) pour l’ensemble du territoire métropolitain.
- Sous sa responsabilité, il pourra déléguer, à titre temporaire, certains de mes pouvoirs à des personnes choisies par lui et responsables devant lui.
- Pour l’immédiat, et notamment pour mener à bien l’établissement de (30) prévu au titre (II) ci-après, la charge des négociations et de leur conclusion incombe conjointement à (10), (15) et (20) (dans la mesure où ils se trouvent sur le territoire métropolitain, en état d’agir, et chacun dans le domaine de sa mission).
- Il doit être créé dans les plus courts délais possibles un (30) unique pour l’ensemble du territoire métropolitain, et présidé par (10), représentant de (5)
- Ce (30) assurera la représentation des groupements de résistance, des formations politiques résistantes et des syndicats ouvriers résistants qui acceptent que leur rassemblement s’effectue autour des principes suivants :
- Contre les Allemands, leurs alliés et leurs complices, par tous les moyens et particulièrement les armes à la main.
- Contre toutes les dictatures et notamment celle de Vichy, quel que soit le visage dont elle se pare.
- Pour la Liberté.
- Avec de Gaulle dans le combat qu’il mène pour libérer le territoire et redonner la parole au peuple français.
5 = général de Gaulle
10 = Rex (Moulin)
15 = Arquebuse (Passy)
20 = Brumaire (Brossolette)
25 = général de Gaulle plus Comité national
30 = Conseil de la Résistance
35 = Commission permanente
ANNEXE 2
Conseil de la Résistance
Motion votée à l’unanimité au cours de la séance tenue quelque part en France le 25 mai 1943 [1]
Le Conseil de la Résistance, réuni quelque part en France occupée le 25 mai 1943, constate avec une joie immense la libération totale de l’Afrique du Nord, par la victoire des armées Alliées, Anglaises, Américaines et Françaises.
Cette victoire, venant après les magnifiques succès remportés par l’armée de l’Union soviétique, apporte aux Français qui luttent sur le sol national une grande espérance.
Le Conseil s’incline avec piété devant tous ceux quoi sont tombés. Il félicite et il remercie les combattants et leurs chefs. Il dit son admiration à tous. Il adresse une pensée particulière de reconnaissance et d’affection à ceux qui ont vaincu sous le drapeau de la France. Il se réjouit que le grand effort africain esquissé depuis le mois de juin 1940, poursuivi dès la rentrée en guerre de l’AEF, développé en 1941 et 1942 grâce à la participation des forces de la France Combattante aux campagnes de Cyrénaïque, grâce aux exploits de la colonne Leclerc, ait été parachevé aujourd’hui par la jeune armée du général Giraud.
Le Conseil salue avec une vive satisfaction la décision prise au lendemain de cette victoire, par la général de Gaulle et le général Giraud, de se rencontrer très prochainement à Alger pour réaliser l’unité de toutes les forces françaises dressées contre l’ennemi de la Patrie et ses complices du dedans.
En cette heure solennelle de l’histoire de notre pays et u moment où va se fixer son destin, le Conseil doit exprimer l’opinion du peuple, qui lutte sur le sol de la métropole encore occupée, sur les conditions dans lesquelles il convient de consacrer cette unité.
La France, déjà présente sur tous les fronts, aspire à rentrer plus intensément dans la guerre libératrice et à y jeter toutes les ressources de son Empire libéré.
Pour atteindre son but, il faut qu’elle ait, au plus tôt, un gouvernement unique et fort qui coordonne et qui ordonne, affirmant aux yeux du monde son prestige retrouvé de grande nation.
Le Conseil considère comme inadéquate l’institution à cet effet d’un simple Comité Exécutif, surtout s’il devait comporter une dualité de direction incompatible avec les nécessités de la guerre et l’ampleur de sa mission.
La France ne peut concevoir que la création d’un véritable gouvernement provisoire, certes, mais ayant toutes les formes et toute l’autorité, répudiant une fois pour toutes, officiellement et dans les faits la dictature de Vichy, ses hommes, ses symboles, ses prolongements.
Elle entend que ce gouvernement – c’est le devoir du Conseil de l’affirmer avec netteté – soit confié au général de Gaulle qui fut l’âme de la Résistance aux jours les plus sombres et qui n’a cessé depuis le 18 juin 1940 de préparer en pleine lucidité et en pleine indépendance la renaissance de la Patrie détruite comme des libertés républicaines déchirées.
Elle souhaite ardemment que le général Giraud, qui a préparé et assuré avec les Alliés la victoire en Afrique du Nord, prenne le commandement de l’Armée Française ressuscitée.
Ainsi seront réalisées techniquement et moralement, les conditions nécessaires à l’unité de toutes les forces françaises combattantes, instrument indispensable de la libération et de la résurrection de notre pays.
*Le Conseil tient à proclamer aujourd’hui la nécessité de cette solution conforme à la volonté de la France.
Il tient pour assuré que cette volonté parfaitement claire sera traduite dans délai et sans mutilation, comme l’exigent, au nom de la France, tant de sacrifices obscurs et tant de sang répandu.
Ont signé la présente motion les représentants de :
Ceux de la Libération
Ceux de la Résistance
Front national
Libération-zone Nord
OCM
Combat
Franc-Tireur
Libération –zone Sud
Parti communiste
Parti socialiste
Parti radical-socialiste
Parti démocrate populaire
Alliance démocratique
Fédération républicaine.
ANNEXE 3
Message du général de Gaulle au Conseil de la Résistance daté du19 mai 1943 et lu lors de la réunion du Conseil de la Résistance du 27 mai
Dans cette guerre où la patrie joue son destin, la formation du Conseil de la Résistance, organe essentiel de la France qui combat, est un événement capital.
L’unité des buts et des sentiments établie depuis longtemps entre la masse de la nation qui lutte sur son territoire et ceux de ses fils qui combattent au dehors se traduit désormais par l’unité dans l’action.
Car c’est de cela d’abord qu’il s’agit. Pour que la libération et la victoire soient françaises, il est impérativement nécessaire que la nation se rassemble dans un effort proprement français. Notre intérêt immédiat, notre grandeur de demain, peut être même notre indépendance sont à ce prix. Tout ce qui est dispersion, action isolée, alliance particulière, dans n’importe quel domaine où se déroule la lutte totale, compromet à la fois la puissance des coups portés à l’ennemi par la France et sa cohésion nationale.
C’est pourquoi il est essentiel que la Résistance sur le territoire national forme un tout cohérent, organisé, concentré. C’est fait, grâce à la création du Conseil de la Résistance qui fait partie intégrante de la France combattante et qui, par là-même, incarne la totalité des forces de toute nature engagées à l’intérieur contre l’ennemi et ses collaborateurs.
Mais l’affreux bouleversement politique, économique et social, moral où le désastre, la trahison, l’usurpation ont plongé notre pays, ne prendra pas fin par le seul fait que les forces allemandes et italiennes auront été écrasées par les forces alliées. Ce bouleversement a des causes profondes. Il aura d’immenses conséquences. La guerre présente est pour toutes les nations, mais avant tout pour la France, une colossale révolution.
Il est donc en premier lieu et immédiatement nécessaire que la nation fasse en sorte d’émerger de la libération dans l’ordre et dans l’indépendance, ce qui implique qu’elle se soit organisée par avance de manière à être aussitôt gouvernée, administrée, représentée suivant ce qu’elle-même désire, en attendant quelle puisse s’exprimer normalement par le suffrage des citoyens.
A ce point de vue, le Conseil de la Résistance doit, d’ores et déjà, apporter au Comité national des éléments de ses décisions quant aux dispositions à prévoir à mesure de la libération. D’autre part, au moment de la libération elle-même, le Conseil doit apparaître comme une sorte de première représentation des désirs et des sentiments de tous ceux qui, à l’intérieur, auront participé à la lutte. Ainsi pourra-t-il fournir au Comité national lui-même l’appui, le concours et, dans une large mesure, l’instrument indispensable pour exercer ses devoirs à l’intérieur et l’aider à faire valoir sans délai vis-à-vis des puissances étrangères les droits et les intérêts de la France.
Il s’agit enfin de savoir si nous saurons sortir du chaos par une rénovation susceptible de rendre à la patrie sa grandeur avec les moyens de jouer le rôle éminent qui revient à son génie, et en même temps d’assurer à tous ses enfants la sécurité, la liberté, la dignité, dans leur travail et dans leur vie. Il appartient au Conseil de la Résistance, plongé au centre du creuset, où dans sa douleur et dans son combat, se forge la France nouvelle, de recueillir toutes les données et de susciter tous les travaux qui pourront éclairer la nation et guider ses dirigeants dans le choix de la route qui les mènera vers son avenir.
Telle est la tâche très étendue et très périlleuse qui incombe au Conseil de la Résistance. L’importance en est extrême. Le Conseil s’en acquittera, malgré toutes les difficultés, avec le seul but de servir la France et en s’inspirant constamment de cette fraternité nationale qui seule permet à la nation de résister à ses malheurs et la mettra demain à même de se reconstruire et de se renouveler
Notes
[1] La date est erronée, la réunion ayant eu lieu le 27 mai. Le texte est donné dans la présentation publiée dans l’édition (IHTP/CNRS) intitulée Jean moulin et le Conseil national de la Résistance.